Divisions technologiques et applications militaires
Comment, discrètement les écuries de Formule 1, négocient avec les militaires britanniques pour décrocher des contrats de développements.
VERSION BULLETS POINTS :
La Formule 1 a été utilisée pour améliorer divers secteurs, comme la santé pendant la COVID-19 et dans divers secteur d’activités largement présentés.
Avec l'introduction du budget plafond en 2021, les écuries ont dû soit réduire leur organisation, soit permettre à leurs ingénieurs de travailler sur des projets hors F1.
Les écuries de F1, comme Williams et McLaren, ont collaboré et collabore toujours avec l'industrie militaire pour développer des technologies avancées.
VERSION LONGUE :
Lorsque l’on parle des applications de la Formule 1 dans le monde, les aspects positifs sont exposés. Comme en 1990, lorsque le Great Ormond Street Hospital for Children de Londres a adopté des éléments du protocoles d’arrêt aux stands de la Scuderia Ferrari pour orchestrer le personnel et améliorer la sécurité et l’efficacité, ce qui a permis de réduire les erreurs dans l’établissement. Puis, arrive la crise COVID-19 avec la création d’un consortium d’ingénieur Red Bull, Renault, Mercedes, Racing Point, Williams et Haas pour collaborer à la production de respirateur. Mercedes a même été impliqué dans la construction de machine CPAP (Continuous Positive Airway Pressure) visant à aider les personnes souffrant d'apnées du sommeil à vivre sans troubles.
N’oublions pas la lutte entre Red Bull Technologies et Mercedes AMG Science Applied dans le cadre de la Coupe de l’América. L’écurie autrichienne développant le vaisseau Alinghi (défi Suisse), et l’équipe allemande le défi Britanna (défi Ineos/Grande Bretagne), sans résultats face au discrêt et efficace défi Néo-Zélandais, dominateur depuis quelques années. Opposant la technologie d’un côté, à l’efficacité du management d’une équipe de l’autre.
Cela fait désormais partie du storytelling des écuries. Un narratif déclenché par l’introduction du budget plafond en 2021. Les écuries ont été ainsi confronté à la réalité : soit réduire leur organisation et perdre des talents et des compétences techniques, soit mettre en place un processus formel permettant aux ingénieurs F1 de consacrer leur temps à des projets hors F1. Ainsi, Mercedes AMG a créé la création de la division Sciences Appliquées. Red Bull a scindé en deux sa filiale Technology, créé en 2006. Une première nommée Red Bull Technology Ltd consacrée à la F1 et la seconde et Red Bull Advanced Technology Ltd, qui emploie 70 personnes et qui est consacré actuellement au développement de la Supercar RB17. Parallèlement, McLaren, en pleine crise économique post-COVID qui l’avait forcé de licencié 70 personnes de sa division Applied, l’équipe de Woking a été obligé de céder pour 200 millions d’euros environ. Elle employait 350 techniciens et ingénieurs et avait été construite sur la base de TAG McLaren Electronics qui avait été lancée en 1989. Quelques mois auparavant, en décembre 2019, Williams avait céder 75%, puis l’intégralité de sa division technologique, Advanced Engineering qui employait également 350 personnes et qui avait créé en 2011 pour commercialiser sa technologie KERS à volant d’inertie auprès de Porsche, Jaguar et Land Rover. La division a été le fournisseur batterie de la Formule E dès 2014 et divers projets allant des véhicules lourds de chantier, au paralympique et récemment l’étude d’un yacht ultra luxe. Imaginé par le directeur général de l’équipe d’alors, Adam Parr, cette division devait fournir des revenus à l’équipe F1. Le chiffre d’affaires était de 70 millions d’euros en 2018. Mais, depuis, Williams a relancé une activité, assez discrètement en 2024, Williams Grand Prix Technologies. Pour une raison bien particulière.
Le lien particulier entre deux mondes bien anglais
Lorsque le gouvernement Blair a décidé d’accordé les mêmes faveurs économiques à la Formule 1 qu’à l’industrie militaire de Grande-Bretagne (je vous invite à relire « Comment la F1 va devenir plus britannique en 2026 » qui déroule l’historique de la décision après les attentats du 11 Septembre 2001), les liens entre les deux mondes ont été assez discrets. Alors qu’ils ont été essentiel pour l’économique de l’une et l’autre.
Dès 2003, Nick Wirth, alors consultant pour la Fédération International de l’Automobile, visite l'école d'aviation de la Royale Air Force à Middle Wallop, dans le Hampshire. La mission ? Etudier le fonctionnement des équipes au sol et cette visite a été suivie de visites de personnel militaire aux courses pour voir comment le ravitaillement était effectué pendant les courses. Ainsi, l'armée a ainsi pu réduire de 50 % le temps de réarmement et de ravitaillement d'un Apache, une économie considérable. La Formule 1 a également permis à l'Army Air Corps de se familiariser avec les vêtements de protection légers pour le personnel au sol. Plus tard, en pleine guerre en Afghanistan, les usines F1 ont permis de fournir des pièces pour refroidir et protéger les véhicules blindés vieillissants, puis d’établir des échanges sur la conception des projets a permis d’améliorer le design des navires de guerre de la Royale Navy, ainsi que la création de casque 3D de simulation en partenariat avec la British Aerospace et McLaren. Williams dans les années 2010, alors qu’elle communiquait surtout sur sa participation à la conception de la Jaguar C-X75 avait participé avec les ingénieurs de BAE Systems à l’application d’une mise à niveau de la famille de véhicule de combat CV90, avec l’application de la suspension active (développée depuis 1986 et utilisé en F1 jusqu’en 1993, puis en DTM par Opel jusqu’en 1995). Le système d’amortissement a permis de battre des records de vitesse sur terrain accidenté et augmentant l'agilité du CV90 en réduisant son accélération en tangage d'environ 40 %. Tout cela dans la discrétion et avec des contrats rapportant des millions chaque année.
Des contrats tellement discrets, qu’alors que McLaren disputait le titre de champion du monde des constructeurs la saison dernière, elle a signé un accord de collaboration avec l'armée britannique pour développer un missile hypersonique capable de virer et de dévier à plus de 6 400 km/h. Ce missile, qui fait partie d'un projet d'un milliard de livres sterling (1.2 milliards d’euros), regroupant 90 sociétés, visant à concurrencer les armes sophistiquées de Russie et de Chine. Le ministère de la Défense souhaite que ces missiles soient disponibles d'ici six ans (2030) afin de contrer les menaces actuelles de ces pays. McLaren conseillera notamment le ministère sur des questions relatives à l'optimisation des relations au sein de la chaîne d'approvisionnement. L'objectif est de créer une culture de haute performance et de promouvoir l'efficacité opérationnelle au sein de l'équipe chargée de la fabrication des missiles hypersoniques.
Les détails de cette coopération restent flous. En réalité, discrètement, McLaren a mis en place une division nommée Accelerator pour répondre à ce type de contrat. Un juteux accord estimé entre 100 et 120 millions d’euros.
Williams relance sa division pour capter des contrats militaires
La création de Williams Grand Prix Technologie en 2024, comme l’indique sur son site internet : Propose un éventail de compétences de pointe dans les domaines de la dynamique des plateformes, des matériaux avancés, de l'intelligence artificielle, du prototypage et des essais. Basée à Grove, au Royaume-Uni, aux côtés de Williams Racing, notre entreprise opère dans un large éventail de secteurs, de l'aérospatiale à l'automobile haut de gamme, en passant par le sport et l'art de vivre. Williams Grand Prix Technologies propose à ses clients une offre unique et de classe mondiale, fruit de décennies d'expertise technique inégalée acquise à la pointe de l'ingénierie du sport automobile et d'une excellence diversifiée en ingénierie avancée.
Les secteurs clients : Course automobile (naturellement), Automobile (supercar surtout), Sport et Lifestyle (pour le design), Energie, mais surtout, Aéronautique, Défense, Marine. Ainsi, c’est la première fois qu’une écurie de Formule 1 dévoile la réalité dernière les chiffres d’affaires de ses divisions d’applications technologiques.
Ce début Janvier 2025, à la Conférence internationale sur les véhicules blindés (IAV) 2025 à Farnborough. La société Fering Technologies, présentait le Pionner X, qui est un véhicule autonome électrique/hybride de longue portée. Dotée de batteries conçues par Williams Grand Prix Technologies.
Dans la communication de la division il est indiqué que Dorilton Capital mettra aussi son réseau d’affaires à la disposition pour des projets. Signifiant que le portefeuille futur du fond d’investissement new-yorkais lorgnera aussi dans le secteur militaire. Après avoir fortement investit dans l’intelligence artificielle. Confirmant le basculement économique mondiale du secteur financier et technologique.
Il est estimé que pendant la décennie 2010/2020, Williams et McLaren, pour leur division technologie appliquée, trustait 40 à 60% de leur chiffre d’affaires, via des contrats militaires. Ce qui a représenté plus de 500 millions d’euros sur la période. Et nous étions en période de paix relative. Avec le basculement du monde lors du 24 Février 2022, l’Europe, les pays du G20 s’arment à vitesse accélérer. Les budgets militaires augmenteront de 20 à 30% d’ici 2028/2030, par rapport à 2024, le milliard d’euros sera largement cumulé par les divisions technologiques des écuries de F1. Renforçant encore plus les liens historiques entre le petit monde de la Formule 1 et l’industrie militaire du Royaume-Unis. Un lien unique dans le monde du sport. Et secret aussi.
Merci pour votre temps
- Marc Limacher
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